“Je ne suis pas une militante dans l'âme, mais je me sens féministe, très solidaire des femmes quelles qu'elles soient… Je me sens plus en sécurité avec des femmes, peut-être est-ce dû à la déportation ? Au camp, leur aide était désintéressée, généreuse, pas celle des hommes. Et la résistance du sexe dit faible y était aussi plus grande.”
Interview. Propos recueillis par Annick Cojean
“L'humanité est un vernis fragile, mais ce vernis existe.”
Discours - 2005
Extrait : "L'humanité est un vernis fragile, mais ce vernis existe. En parlant de ce monde à part que fut celui des camps et de la tourmente dans laquelle les Juifs furent emportés, nous vous disons cette abomination, mais nous témoignons aussi sur les raisons de ne pas désespérer. D'abord, pour certains d'entre-nous, il y eut ceux qui nous aidèrent pendant la guerre, par des gestes parfois simples parfois périlleux, qui contribuèrent à notre survie. Il y eut la camaraderie entre détenus, certes pas systématique, dont les effets furent ô combien salutaires. Et puis, pour cette infime minorité qui regagna la France en 1945, la vie a été la plus forte ; elle a repris avec ses joies et ses douleurs. Puissent nos rires résonner en vous comme notre peine immense. Notre héritage est là, entre vos mains, dans votre réflexion et dans votre cœur, dans votre intelligence et votre sensibilité. "
“Nous sommes ceux qui viennent après. Nous savons désormais qu'un homme peut lire Goethe ou Rilke, jouer des passages de Bach ou de Schubert, et le lendemain matin vaquer à son travail quotidien, à Auschwitz.”Langage et silence
“Ma question, celle avec laquelle je lutte dans tous mes enseignements, c'est : pourquoi les humanités au sens le plus large du mot, pourquoi la raison dans les sciences ne nous ont-ils donné aucune protection face à l'inhumain ? Pourquoi est-ce qu'on peut jouer Schubert le soir et aller faire son devoir au camp de concentration le matin ?”
entretien avec Antoine Spire ( 1997 )
“Jamais je ne pourrais contempler les figures de Giacometti sans me souvenir des étranges promeneurs de Buchenwald.”L'écriture ou la vie
" jamais je ne pourrais contempler les figures de Giacometti sans me souvenir des étranges promeneurs de Buchenwald : cadavres ambulants dans la pénombre bleutée de la baraque des contagieux ; cohortes immémoriales autour du bâtiment des latrines du Petit Camp, trébuchant sur le sol caillouteux, boueux dès la première pluie, inondé à la fonte des neiges, se déplaçant à pas comptés"
“Nous ne sommes pas des rescapés, mais des revenants.”L'écriture ou la vie
“Depuis deux ans, je vivais sans visage. Nul miroir, à Buchenwald.”L'écriture ou la vie
“Une année à Buchenwald m'avait appris concrètement ce que Kant enseigne, que le Mal n'est pas l'inhumain, mais, bien au contraire, une expression radicale de l'humaine liberté.”Le mort qu'il faut
“Le sadisme a fleuri dans les camps de la mort, mais à l'échelon subalterne. Plus haut, il fallait un équipement psychique très différent.”La mort est mon métier
“Dans les camps de concentration nazis, les plus aptes à survivre étaient les prisonniers qui avaient une tâche à remplir après leur libération.”Découvrir un sens à sa vie avec la logothérapie
“Avant mon séjour dans les camps de concentration, je pensais que le pire venait d'ailleurs. J'ai trouvé le pire chez les autres et aussi en moi.”Les sentinelles du soir
Extrait "Avant mon séjour dans les camps de concentration, je pensais que le pire venait d'ailleurs. J'ai trouvé le pire chez les autres et aussi en moi. Ce n'est pas l'abandon des siens qui est le plus dur à vivre, mais la déchéance de l'homme en soi. La conscience part en lambeaux. L'extrême humiliation transforme les hommes en coupables. C'est la tristesse des déportés."
“En déportation, j'ai appris qu'il existe une limite au-delà de laquelle on trouve surtout des sentiments acides : le mensonge, la rage, l'abandon, l'égoïsme, la défiance. Nous portons chacun notre propre caricature. Il suffit souvent de quelques jours à peine pour que le masque tombe à terre. La statue intérieure se brise”
“Certains survivants ne sont jamais revenus des abîmes. Ils ne pouvaient pas supporter la part d'ombre qu'ils voyaient en transparence chez les autres et en eux-mêmes.”Les sentinelles du soir
Extrait : "Certains survivants ne sont jamais revenus des abîmes. Ils ne pouvaient pas supporter la part d'ombre qu'ils voyaient en transparence chez les autres et en eux-mêmes. Il faut du temps pour se détacher de l'image de soi, plantée dans le regard des kapos, disant : "Tu es ce trou du cul, cette loque, ce torturé, ce non-homme, ce squelette mi-charogne mi-vermine." "
“Durant la guerre on ne débat pas, on n'insiste pas sur les divergences. La guerre est une serre pour l'attention et le mutisme. La faim, la soif, la peur de la mort rendent les mots superflus. A vrai dire, ils sont totalement inutiles. Dans le ghetto et dans le camp, seuls les gens devenus fous parlaient, expliquaient, tentaient de convaincre. Les gens sains d'esprit ne parlaient pas.”Histoire d'une vie