“Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, d'Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé tant de vues d'une si grandiose profondeur ? Il est tentant de penser qu'à cette époque l'esprit était encore en contact quasi-direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s'étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde.”
Contexte : "Pourquoi, au début de la pensée philosophique, les Présocratiques, d'Héraclite à Platon, nous ont-ils laissé tant de vues d'une si grandiose profondeur ? Il est tentant de penser qu'à cette époque l'esprit était encore en contact quasi-direct avec la réalité, les structures verbales et grammaticales ne s'étaient pas interposées comme un écran déformant entre la pensée et le monde. Avec l'arrivée des Sophistes, de la Géométrie euclidienne ; de la Logique aristotélicienne, la pensée intuitive fait place à la pensée instrumentale, la vision directe à la technique de la preuve. Or, le moteur de toute implication logique est la perte en contenu informationnel : ‘‘Socrate est mortel'' nous renseigne moins que ‘‘Socrate est un homme''. Il était donc fatal que le problème de la signification s'effaçât devant celui de la structure de la déduction. Le fait que les systèmes formels des mathématiques échappent à cette dégradation de la ‘néguentropie' a fait illusion, à cet égard, une illusion dont la pensée moderne souffre encore : la formalisation – en elle-même, disjointe d'un contenu intelligible – ne peut être une source de connaissance. "